INTERVIEW PARTENAIRE : FREDERIC PFLIEGERSDOERFFER

INTERVIEW PARTENAIRE : FREDERIC PFLIEGERSDOERFFER

 

 

La Région Grand-Est est partenaire de la 4ème édition de CYCL’EAU Grand-Est 2023. Frédéric PFLIEGERSDOERFFER, Conseiller Régional Délégué à l’eau de la Région Grand-Est a accepté de répondre à nos questions.

 

 

La Région Grand-Est a accepté d’être partenaire de la quatrième édition CYCL’EAU GRAND-EST STRASBOURG les 21 et 22 juin prochain, pouvez-vous nous dire en quelques mots quelles ont été vos motivations ? Quelle importance accordez-vous à un événement professionnel de ce type dans votre région ?

 

La Région Grand-Est est partenaire depuis quelques années maintenant. Au regard de nos partenariats antérieurs, nous sommes convaincus de l’importance d’être présents car cela répond à un certain nombre de nos préoccupations, en particulier le fait de pouvoir mettre en relation toute une série de partenaires.

Si je suis en charge de la délégation eau à la Région, c’est que je suis également président d’un très grand syndicat de gestion de l’eau intégrée, le SDEA. Nous sommes présents à la fois sur la distribution de l’eau, sur l’assainissement, sur la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations. Et de part la fonction qui est la mienne, on ne peut que constater l’émiettement de la gouvernance de l’eau, où tout est en silo, même si de nombreux acteurs s’efforcent d’être transverses.

Et le Salon CYCL’EAU, qui préconise le dialogue, la rencontre mais également les expériences partagées, correspond tout à fait aux préoccupations de la région. Notamment parce qu’il promeut l’innovation, en dehors des problématiques de sobriété qui sont plus que centrales, mais également car il met en avant les problématiques d’efficacité, qui montrent qu’on doit davantage se mobiliser sur la recherche et l’ensemble des dynamiques de transformation qu’il faut mettre en œuvre.

 

 

La ressource eau constitue un enjeu majeur, sujet qui est mis sur le devant de la scène depuis l’été dernier. Nous savons que la Région Grand-Est s’est dotée d’une compétence sur l’eau pour renforcer son action. Pourriez-vous nous expliquer comment la Région œuvre pour sa protection, sa restauration et sa mise en valeur ?


Tout d’abord, un mot sur la compétence elle-même. C’est une faculté qui a été ouverte par la loi, permettant d’être présent au titre d’une compétence d’animation et de structuration. Si le législateur a souhaité que cette compétence puisse exister, c’est que le regard qu’il portait sur les gouvernances indiquait que l’ensemble des process n’était pas abouti. Il y avait notamment tout un nombre de problématiques qui devenaient plus centrales en matière de gestion de la ressource, au niveau d’un bassin versant mais qui n’étaient pas nécessairement pris en compte sur l’ensemble du territoire Grand-Est. A ce titre-là, nous avons souhaité nous doter de cette compétence, pour être un des éléments moteurs afin d’inviter les acteurs à se constituer, à se parler et construire des échelles de solidarité et de réflexion plus importantes que ce qui existait jusqu’à présent.

J’attire aussi l’attention sur le fait qu’il y a une actualité législative qui repose la question des échelles de coopération et notamment la date butoire de 2026, qui correspond au transfert obligatoire d’un certain nombre de compétences eau et assainissement aux inter-communalités. Cela nous permet aujourd’hui d’avoir une vraie légitimité et une raison d’intervenir directement.

Ensuite, la question de l’eau et de la ressource était déjà portée par les collectivités antérieures à la Région Grand-Est. Nous pouvons citer, sans vouloir être très exhaustif : la Champagne-Ardenne et l’existence d’un observatoire de l’eau, ou encore l’Alsace, avec un soutien fort de la Région, qui est à l’origine d’une association que j’ai d’ailleurs présidé pendant quelques années qui s’appelle l’APRONA, l’Association pour la protection de la nappe phréatique d’Alsace. Cette association est chargée à la fois d’évaluer et suivre la nappe phréatique dans ses fluctuations en quantité mais également sur les problématiques de qualité et de pollutions émergentes.

Nous ne sommes pas les seuls à porter la légitimité. A notre niveau, on la décline de 2 façons : avec la volonté de faire en sorte que la question de l’eau soit une problématique transverse à toutes nos directions, et par la voie même à l’ensemble des commissions et des élus qui travaillent. Notre leitmotiv repose sur le fait que l’eau est une valeur commune à toutes les politiques régionales. Dans la pratique, cela signifie qu’il est demandé au quotidien à chaque direction et par voie de conséquence à chaque commission, de rendre régulièrement une copie en ce qui concernant la place de l’eau dans leurs réflexions.

Pour illustrer mon propos, dans le cadre de la formation et l’éducation, et ça rencontre des échos avec le Salon CYCL’EAU, il existe une tension sur l’emploi et la difficulté pour les grands acteurs de trouver des personnels. Cela peut être corrélé au fait qu’il subsiste des absences de formations ou en tous cas d’orientations bien construites. La Direction de la Formation travaille à créer de nouvelles maquettes de formation. La Région Grand-Est est à la tête d’un patrimoine important de lycées physiques, dans lesquels on se doit de porter les problématiques d’économies d’eau dans le quotidien de ces lycées, mais également de déraccordement et d’infiltration sur parcelles des équipements qui sont encore trop souvent reliés à des réseaux soit unitaires soit séparatifs.
Et à l’autre extrême, en interrogeant la direction du tourisme, elle porte l’appréciation sur la place de l’eau, le maintien de l’existence d’un tourisme lié à l’élément aquatique aux annexes hydrauliques et là, l’innovation est aussi un élément porteur. La Région a notamment porté une étude sur les algues vertes dans les lacs du Grand Est, pour aider le monde du tourisme à lutter contre l’eutrophisation et le développement d’algues.

Enfin, il faut trouver le moyen de flécher et mobiliser l’ensemble des fonds européens au bénéfice de l’ensemble des parties prenantes de notre territoire sur la question de l’eau. J’anime un fonds interreg pour la nappe supérieure, où la notion de l’eau a été indiquée sur le Grand-Est comme étant l’une des priorités de ce programme. Le Grand-Est est une des régions qui va le plus souffrir des hausses de température dans les prévisions moyennes du GIEC et de Météo France et la résilience de la Région doit se construire en s’appuyant sur la chance qui est encore la nôtre d’être un château d’eau et qu’il s’agit de préserver.
 

 

Lors de la plénière institutionnelle avec les élus, à laquelle Madame Christelle LEHRY va participer, sur la thématique « l’eau et l’énergie ». « Quels sont selon vous les principaux acteurs et leviers à mobiliser pour justement relever les défis du changement climatique ? »

 

En établissant ma feuille de route, j’ai pu faire le constat qu’il y a toute une superposition d’acteurs qui ne sont pas nécessairement en responsabilité sur la totalité du cycle de l’eau. La ressource brute, on peut la suivre bien entendu et l’état est impliqué au titre de la mise en œuvre de toute un certain nombre de directives européennes, évidemment connecté aux producteurs d’eau potable, mais il y a encore une infinité d’acteurs.

Nous nous sommes donc posé la question de savoir comment, face à cette superposition sans consolidation, transmettre de la donnée fiable, en particulier aux territoires ? La question de l’eau, je l’ai évoquée en termes de températures, va impacter nos populations d’un point de vue sanitaire en termes de surmortalité, mais elle va également impacter les transports car l’exutoire fluvial est fortement impacté par les étiages en particulier en été. Et dans la perspective de la disparition quasi-programmée d’un certain nombre de glaciers suisses qui nous alimentaient pendant l’été et qui garantissaient un niveau d’étiage satisfaisant, nous devons prendre les mesures pour agir.

La Région connaît également des problématiques de production électrique, ne serait-ce que parce que les process de refroidissement des centrales en particulier nucléaires sont fortement compromis par des étiages trop faibles.

Nous avons tenté une méthode pour réaliser un diagnostic de la totalité du territoire de façon macro, puis nous avons tenté de construire un modèle qui a isolé 8 à 9 situations typiques, toutes fortement renseignées en termes de quantité et de qualité, en termes de pression sur la ressource et ce dans une vision prospective. Nous souhaitons avoir la capacité de donner aux générations à venir la ressource telle que nous l’avons nous-mêmes reçue.

Ca pose toutes les questions concernant la recharge de nappe, mais également de ne pas consommer cette ressource si précieuse.

 

Dans le même temps nous avons tenté d’évaluer pour chacune des grands problématiques un certain nombre d’enjeux : la santé, ou l’agriculture ; nous avons une Région où l’agriculture dite intensive est présente. Et nous avons tenté pour chacune de ces grandes catégories d’évaluer l’impact des évolutions s’agissant de l’eau.

Une fois ce travail fortement illustré réalisé, nous nous déplaçons dans les territoires en provoquant des grandes conférences de l’eau avec l’ensemble des parties prenantes, où nous livrons notre analyse afin de les inviter à voir de quelle façon nous pouvons mettre collectivement en place un certain nombre de démarches.

 

Pour la partie recherche, nous mobilisons les grands acteurs de l’eau, qu’ils soient industriels ou publics pour les interroger sur les problématiques émergentes à leur niveau. Nous benchmarquons régulièrement nos voisins européens, qu’ils soient helvétiques ou allemands sur les normes qu’ils mettent en œuvre mais aussi sur les ambitions qu’ils portent. Les cinq dernières années ont été dominées en France par la prise de conscience qu’il y avait à la fois des pollutions historiques mais aussi des pollutions émergentes : bisphénol, microplastiques, antibiotiques... Certains de nos confrères européens mettent en place des stations d’épuration de 4è génération.

Le Président de la République a porté il y a peu ses 59 points en évoquant la qualité des eaux résiduaires en sortie de station d’épuration, évoquant une problématique d’usages mais il y a également des notions liées à la santé, au sanitaire, aux impacts sur les environnements connexes.